Les Dragons catalans dans super rugby league, exemple prémonitoire de l’évolution du sport professionnel ?

super_rugby_league.gifS’il est le sport roi de l’hémisphère sud, le rugby à XIII occupe une place plus modeste en Europe. Professionnel et très bien implanté en Angleterre, il reste dans l’ombre du rugby à XV en France. Ceci explique pourquoi l’intégration des Dragons catalans (ex union treiziste catalane) dans la Super league anglaise est restée relativement anecdotique dans notre pays.

Pourtant la création de ce championnat transnationnal préfigure probablement l’évolution du sport professionnel. Pour le meilleur et pour le pire.

Un « deuxième » dans l’histoire du sport français.
En effet les Dragons Catalans, référence française en rugby à XIII, n’évoluent plus en championnat de France, mais en super league anglaise. Afin d’offrir à leur public des affichent haut de gamme tout les 15 jours, les rouges et jaunes ont intégré la lucrative league crée par Rupert Murdoch. Cette super league anglaise à vocation à devenir un championnat « privé » (à l’instar des ligues professionnelles américaines) sans relégation.

Les dragons sont le second club de l’histoire du sport français à expérimenter cette évolution après le PSG XIII. La section XIII du PSG, créee pour l’occasion avait tenté l’expérience deux saisons dans les années 90 avant sa dissolution.

Un formule attractive financièrement et sportivement…
Aujourd’hui, rien n’empêche la création de ce type de championnat dans les divers sports professionnels. Avec les enjeux financiers de plus en plus importants, accrus par d’éventuelles entrées en bourses et la nécessité d’assurer une récurence de revenu la plus découplée possible de l’aléa sportif, ce type de formule est alléchante :

la ligue est fermée, donc pas de risque de relégation dans des divisions inférieures et l’inconvénient de ne plus faire partie de l’élite.

les affiches sont attractives. Ces ligues privées rassemblant uniquement de grandes équipes, les (télé)spectateurs se voient ainsi offrir chaque semaine des rencontres de haut calibre à même de favoriser le spectacle.

les revenus financiers sont sécurisés, à la fois par la garantie de rester dans la ligue, mais aussi par la formule de négociation globale des droits pour l’ensemble de la ligue.
Si cette formule est habituellement utilisée dans les ligues professionnelles françaises (foot notamment), il faut savoir qu’en Espagne ou en Italie, les droits se négocient de façon indivuelle.
Ainsi les droits télés reçus par le Real Madrid n’ont rien à voir avec ceux payés à Getafe ou Tarragona. Les droits négociés collectivement permettent de créer une situation de monopole, de fait, face aux diffuseurs potentiels.

Mais qui n’est pas sans conséquences…
L’existence de ce type de ligue aurait plusieurs conséquence majeures :

disparition ou quasi disparition des fédérations sportives en tant qu’acteur notable du sport professionnel.
Les fédérations joueraient essentiellement le rôle d’organisation du football amateur sans aucun pouvoir sportif sur ces ligues. Les ligues privées pourront à loisir modifier les règles sportives du jeu sans avoir à en référer à quiconque.

– risque de disparition des équipes nationales en tant que porte drapeau de l’élite d’un pays.
La participation des joueurs des ligues privées dans les équipes nationales sera tributaire de leur bon vouloir, et plus surement d’un conventionnement. L’exemple de la NBA est significatif. Les meilleurs joueurs de basket américains ne jouent plus depuis longtemps en équipe nationale. Hormis la vitrine, exceptionnelle des JO de 1992, l’équipe des Etats-Unis est composée de joueurs universitaires ou de joueurs NBA de second choix.

concentration du sport d’élite dans les grandes villes. Ces ligues placeraient évidemment des équipes sur les « marchés » à fort potentiel.
Anticipons la création d’une NBA Europe. S’il y a fort à parier que Paris, Madrid, Londres (qui n’est pourtant pas une place forte du basket), Milan ou Amsterdam aient droit à une franchise, il est probable que Pau-Orthez, Le Mans ou Strasbourg n’aient pas ce même privilège (pour ne prendre que les places fortes du basket français).

Ce phénomène est-il inéductable ? Difficile à savoir. Aujourd’hui le sport européen est de fait « protégé » de cette évolution en raison de la tradition et des pesanteurs culturelles que bousculeraient, en même temps que les fans potentiels, ce type de ligue.

Toutefois n’oublions pas que l’actuelle organisation du sport est elle-même venue bousculer une organisation initiale qui voyaient plusieurs fédérations se cotoyer pour une même discipline. Cette évolution vient nous rappeler que rien n’est immuable, surtout en sport.

Yannick, le docteur ès sport

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3 Responses to “Les Dragons catalans dans super rugby league, exemple prémonitoire de l’évolution du sport professionnel ?”

  1. C’est effectivement très interessant tout ça ! Je ne connaissais pas l’existence de ce club et de sa situation ! Merci pour l’info !

  2. Pros et amateurs : une séparation nécessaire…

    En surfant sur le web, je suis tombé un peu par hasard sur l’intéressant blog du Docteur ès-Sport. L’un des articles évoquait l’entrée des Dragons Catalans dans la Super League de rugby à XIII. L’article s’appuie sur le fait qu’une équipe…

  3. Article et sujets très intéressants. Vous abordez ici un sujet que j’ai déjà plus ou moins évoqué sur mon blog : à savoir l’avenir de l’organisation de nos ligues de sport professionnelles sous leurs formes actuelles.
    Et votre argumentation me parait très favorable à un système fermé comme cela se fait déjà outre-atlantique. Dans un optique de sport et de club managés comme des entreprises, on ne peut pas écarter l’idée de ligues fermées qui minimisent les risques des cateurs du secteur et des annonceurs. Malgré tout, on peut aussi s’attendre à une vive opposition des supporters qui verront dans ces projets, la mort de l’intérêt sportif au profit d’une idéologie de profit. Certains dirigeants de clubs évoluant dans des villes avec un bassin de population moyen trouveront certainement eux aussi à redire, accusant les décideurs de vouloir tuer le sport professionnel des campagnes pour voir émerger un sport professionnel des grosses agglomérations et donc un système à deux vitesses sans aucune légitimité sportive.
    Si aujourd’hui le rugby à XIII semble être la seule ligue fermée d’Europe, on peut penser que d’ici peu, le basket aura aussi la sienne. Vous citez le projet d’une NBA Europe mais il n’est pas forcément nécessaire d’aller chercher si loin. L’Euroleague actuelle (champion’league du basket) est une ligue semi fermé contrôlé par une société privée et non par une fédération. Le système de qualification pour cette compétition est double. Un ranking sur 3 ans est mis en place dans chaque pays. L’équipe qui, sur les 3 ans de comptabilisation des points, engrange le plus de points (tant pour un titre de champion, tant pour une coupe de france, tant pour une participation en play-offs…) gagne un ticket de 3 ans pour cette compétition sans que ces résultats sportifs dans son championnat sur cette période de 3 ans ne viennent remettre en cause son droit de disputer l’Euroleague. En clair, si en foot se système existait, l’OL aurait gagné cette année un ticket de 3 ans en Champion’s league grace à ces résultats ces 3 dernières années en Ligue 1. Et si la saison prochaine ils viennent à terminer la saison à la 13ème place, il se retrouverait quand même en ligue des champions en n+2. Un système semi fermé.
    d’ailleurs, je pense que les revendications du G14 vont dans ce sens.