Guy Roux, Lens et la gouvernance sportive des clubs français.

roux_lens.jpgC’est fini, Guy Roux a quitté Lens seulement après trois journées de championnat, ne se sentant plus capable d’assumer son rôle d’entraîneur du club artesien. Personnellement, j’avais fait de Guy Roux et des lensois l’un de mes favoris pour l’actuel championnat. C’est donc une déception de ne pas voir ce que pouvait faire l’entraîneur bourguignon avec le groupe sang et or. Au delà de la dimension purement factuelle, et au regard des motifs évoqués dans les médias, cette démission pose la question de la gouvernance sportive des clubs de football professionnels en France.

Guy Roux n’avait pas les pleins pouvoirs sportifs comme à Auxerre.
Les quelques semaines passées par Guy Roux à Lens ont permis d’alimenter les chroniques des médias sportifs. Du sparadrap sur le nom de l’équipementier de son survêtement, aux relations avec la cellule recrutement en passant par le menu du repas des joueurs, les histoires petites ou grandes se sont succédées. Ce qui frappe dans celles-ci, au delà de l’anecdote, est qu’il était évident que Guy Roux n’avait pas les pleins pouvoirs sportifs, ou s’il les avait, il devait composer avec les différentes entités existantes. Et à mon sens cette situation est illustrative de la carence des clubs français à ce niveau.

L’entraîneur en France, la pression de la réussite sans les leviers.
L’entraîneur d’un club de football de D1 française voit se concentrer sur lui une énorme pression en matière de résultats sans disposer de tous les leviers de commandement. Ce dernier n’est que rarement le « directeur sportif » du club. Il doit bien souvent composer avec un directeur sportif en place, une cellule de recrutement, les techniciens du centre de formation, quand ce n’est pas avec le « conseiller spécial » du Président (comme Lacombe à Lyon) voire le président lui même (qui en général vient s’asseoir sur le banc de touche, chose inconcevable dans les grands clubs espagnols ou italiens)….

Cela est d’autant plus difficile que l’entraîneur se trouve dans une position contractuelle relativement précaire par rapport à ces autres composantes du club. Car d’autres personnages qui ont une action directement liée à la bonne marche sportive du club (responsable du centre de formation, du recrutement, préparateur physique, staff médical) sont en place depuis des années voire des décennies en dépit de résultats par forcément extraordinaires. Pourtant nombre d’entre eux paraissent quasiment inamovibles.

Un état de fait structurellement préjudiciable aux clubs ?
Or cet état de fait est structurellement préjudiciable au club. En effet, les résultats de l’équipe première d’un club, représentent le « produit fini » du club et s’ils sont mauvais, c’est en général l’entraîneur qui en paie les conséquences. Pourtant ce dernier n’intervient quasiment qu’en bout de chaîne. En effet, la matière première qu’il a à sa disposition (les joueurs) est le fruit d’une politique de club dans sa globalité (les joueurs du centre de formation, les recrues pertinentes, la politique économique du club qui permet de dégager des moyens suffisant pour le recrutement etc…).

Il y a donc une certaine incohérence à mettre l’entraîneur en première ligne alors qu’il ne dispose pas sur le long terme de tout les leviers d’action.

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la situation actuelle, l’entraîneur n’est qu’un maillon de la chaîne.


La solution un développement des fonctions de manager à l’anglaise ?

Ainsi la généralisation d’une fonction de « manager à l’anglaise » favoriserait cette mise en cohérence. Le manager véritable directeur sportif du club serait le responsable des résultats du club au niveau de l’équipe première tout simplement parce qu’il aurait en main tout les leviers de commande et tout pouvoir sur ce qui concerne le sportif.

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La solution ? le développement des managers à l’anglaise ?

De plus ce choix favoriserait des politiques de long/moyen terme (formation, suivi des joueurs et recrutement, constitution du groupe professionnel) qui éviterait de voir des entraîneurs « responsables » remerciés au bout de quelques mauvais résultats. Rennes en nommant son directeur sportif, Pierre Dreossi entraîneur, s’est orienté vers ce type de solution.

Visiblement, Guy Roux n’avait pas tout les leviers en main à Lens comme il les avait à Auxerre. C’est peut-être là la principale erreur de Gervais Martel quand il a fait venir le sorcier bourguignon.

De façon générale, si les clubs français veulent à nouveau obtenir des résultats probants sur la scène européenne une remise en cause profonde de la gouvernance sportive des clubs est une piste à explorer.

Yannick, le Docteur ès sport.

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One Response to “Guy Roux, Lens et la gouvernance sportive des clubs français.”

  1. Remy dit :

    Bonne première analyse de la situation ‘managériale’ des clubs français.

    Mais je ne suis pas convaincu qu’il existe un seul modèle (par ex : le modèle anglais) qui puisse marcher ; chaque club gère dynamiquement un ensemble de contrainte (son histoire, sa culture de club, ses ‘personnalités fortes’, ses contraintes juridiques…) pour essayer de dégager une efficience maximum.

    Il est vrai qu’avoir un manager sportif qui ‘chapeaute’ (qui a le pouvoir) peut théoriquement garantir la mise en oeuvre d’une politique et d’une vision sportive au-delà des contingences ‘court-terme’ des résultats du championnat.

    Mais de la théorie à la pratique…

    Sincèrement, la valse des coachs m’a toujours fait marrer : où est le projet de club quand l’entraîneur valse ??

    Sportivement.

    Christophe