La triste disparition du grand prix du Midi-Libre.

jalabert_ml.jpgS’il est une belle épreuve que l’on regrette de ne plus voir dans le calendrier français et qui aurait du se dérouler ces jours-ci, c’est bien le Grand prix du Midi Libre. Crée il y plus de 50 ans, elle a été remportée par les plus grands (Merckx, Poulidor, Indurain, Jalabert) et offrait un parcours magnifique et sélectif entre le sud du massif central et les bords de la Méditerranée.

Mais voilà pour des raisons qui n’ont rien à voir avec le sport, elle a cessé d’être organisée depuis 2004. Retour sur une triste disparition.

Un parcours très contrasté, une épreuve remportée par les plus grands.

Laurent Jalabert qui s’impose à Sète en haut du Mont Saint clair sous le soleil méditerranéen et devant des milliers de spectateurs massés le long des derniers kilomètres [image du haut] , c’est un résumé rapide de qu’a été cette formidable épreuve. (le mazamétain l’emportera au sommet du Mont Saint Clair en 1994 et 1996).
Un parcours sélectif qui passait par les difficiles routes du sud du massif central (Aude, Aveyron, Lozère), les étapes piégeuses du littoral languedocien avec le vent et ses bordures, plus des arrivées hyper spectaculaires comme l’ascension du Mont Saint Clair sur les hauteurs de Sète qui, avec ses passages à 15% de dénivelé, n’avait rien à envier au mur d’Huy de la Flèche Wallone. Le Midi libre, c’était aussi la présence d’un plateau toujours relevé avec plusieurs têtes d’affiches de niveau mondial, souvent venu tester leurs sensations à un gros mois du Tour de France.
indurain.jpg L’édition 1995 qui par exemple avait vu Indurain l’emporter, Virenque, revêtir le maillot à pois du classement des grimpeurs et Jalabert porter le maillot vert du classement par points, avait donné un bel avant goût dans ce qui allait se passer dans le Tour quelques mois plus tard.

Malheureusement, tout cela est terminé, et les dizaines de milliers de spectateurs qui se massaient au bord des routes pour encourager leurs champions n’ont plus que leurs yeux pour pleurer dans une région assez pauvre en épreuves cyclistes de premier plan (hormis le Tour Méditerranéen en début de saison).

La disparition du Midi Libre : la disparition d’un monument du cyclisme français.

Le journal « Midi Libre » organisateur de l’épreuve depuis 1949 est racheté par le groupe « Le Monde » au début des années 2000. En 2003 le journal prend la décision d’arrêter l’organisation de l’épreuve.

Si le journal « Le Monde » ne possède pas la culture cycliste de l’Equipe ou du Parisien, il est évident qu’il est conscient que cette décision est lourde de conséquence, puisqu’elle raye de la carte un monument du cyclisme français. Devant cette disparition, les amis du cyclisme s’émeuvent et se mobilisent, notamment le groupe Amaury (organisateur du Tour de France) qui reprend l’épreuve avec le Conseil régional sous l’appellation « Tour du Languedoc Roussillon ». Nous sommes en 2004 et à l’issue d’une magnifique épreuve c’est le belfortain Christophe Moreau, vainqueur au Mont Saint Clair qui remporte la course.

L’épreuve semble être sauvée, les amateurs du vélo se félicitent de voir à nouveau cette épreuve dans le calendrier international.


Christophe Moreau vainqueur en 2004,
dernier vainqueur de l’épreuve à ce jour.

Mais il était dit que le Midi Libre devait disparaître. A l’issue des élections régionales de 2004, une nouvelle majorité est élue. Elle décide de ne pas reconduire la convention avec le groupe Amaury. Sans partenaire d’envergure au niveau des collectivités locales, impossible de maintenir l’épreuve. S’en est donc terminé du Midi Libre, la course ne s’en relèvera pas.


Benoît Salmont superbe vainqueur au Mont Saint Clair en 2001
aura des larmes d’émotion sur le podium.

Les préjudices de sa disparition dépassent largement le cadre purement sportif.

Au delà des raisons invoquées, l’on ne peut que souligner les préjudices de cette disparition.

aux amateurs de sport d’abord, qui avaient la possibilité de voir courir et d’approcher les meilleurs cyclistes du monde sur des terrains de toute beauté et dans des lieux qui n’avaient pas la possibilité d’organiser des manifestations sportives de premier plan. Il est facile d’imaginer l’engouement populaire que créait la présence d’un Indurain, d’un Jalabert ou d’un Merckx lors d’une étape à Saint Affrique, La Canourgue ou Uzès.

aux milieux économiques ensuite, car le Midi Libre, organisé dans une période clef avant l’été, offrait grâce à la couverture télévisuelle une extraordinaire vitrine de la région, à quelques semaines de la saison touristique. Nul autre épreuve sportive n’étant en mesure de rivaliser de ce point de vue.

aux promoteurs de l’identité culturelle régionale enfin. Faire disparaître le Midi Libre, c’est tuer un morceau du patrimoine culturel de cette région et par voie de conséquence détruire un vecteur de développement de l’identité régionale.

Les voisins catalans et basques espagnols n’ont pas fait la même erreur. A l’inverse de ce qui a été fait en Languedoc ils font en sorte que leur tour cycliste régional (Tour de Catalogne, Tour du Pays Basque), véritable vitrine identitaire et économique, soit une épreuve cycliste de rang international. Cette dimension se vérifie au niveau mondial puisque des régions émergentes du monde ou souhaitant renforcer leur visibilité créent une épreuve cycliste (Tour de Californie, Tour down under en Australie, Tour du Quatar par exemple).
Lorsque l’on avait la chance de posséder ce type d’épreuve dans sa région, la supprimer c’est aller à contre sens de l’histoire.

Aujourd’hui sans l’appui de la région Languedoc Roussillon et du journal Midi libre, cette belle épreuve à peu de chance de renaître de ses cendres. On ne peut que le regretter.

Yannick, le Docteur ès sport

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