La KHL peut-elle détrôner la LNH ?

Rencontre entre Medveščak (Croatie) et le Dinamo de Minsk (Bielorrussie) (crédit photo KHLhr)

Une ligue professionnelle de hockey de 28 équipes réparties en deux conférences (ouest et est) et plusieurs divisions qui évoluent dans un championnat fermé, cela vous dit quelque chose ? Et bien, non, il ne s’agit pas de la Ligue Nationale de Hockey nord américaine, mais de la KHL la « Kontinentalnaïa Hokkeïnaïa Liga», ligue continentale de hockey européenne.

Ce championnat de hockey constitue une compétition doublement intéressante, à la fois parce qu’elle est le premier championnat sportif professionnel unifié à l’échelle du continent européen, mais également parce qu’elle pourrait à terme inverser le rapport de force économique avec son équivalent nord américain.
Présentation de la KHL.

La KHL c’est une ligue de hockey fermée fondée en 2008 et constituée de 28 clubs originaires de 8 pays répartis dans 4 divisions et deux conférences. Les meilleurs équipes disputent des séries éliminatoires et le vainqueur remporte la Coupe Gagarine, du nom du célèbre cosmonaute soviétique, ce trophée étant le pendant pour la KHL de la Coupe Stanley de LNH.
Les derniers vainqueurs de la compétition étant le Dynamo de Moscou et Oufa.

Parmi les équipes engagées l’on trouve le SKA St Petersbourg, le Dynamo de Minsk biélorusse, le Slovan Bratislava slovaque ou le Dinamo de Riga letton.

Les hymnes avant un match de KHL (photo de Krume Ivanovski)

Les hymnes avant un match de KHL (photo de Krume Ivanovski)

La KHL, premier championnat professionnel européen.

La création d’un championnat unique européen beaucoup en rêvent, et pourtant aucun grand sport collectif n’y est parvenu. Par défaut ont été crées les « ligues des champions » qui réunissent chaque saison les meilleurs équipes du continent dans leur discipline, mais qui viennent se sur-ajouter aux compétitions nationales.

Cette situation crée d’évidents problèmes de calendrier avec des surcharges, et génère des risques conséquents de blessures par la multiplication des rencontres. Cette contrainte de calendrier  empêche la mise en place de vraies formules de championnat, puisque généralement une première phase de brassage dans des poules de quelques équipes existe  dans ces compétitions européennes  avant de laisser place à une deuxième partie de la compétition dans format de coupe.

Cette situation a un autre effet négatif, elle handicape les grands clubs situés dans des petits championnats (clubs écossais, hollandais en football par exemple) qui ne parviennent pas à trouver l’adversité sportive nécessaire au niveau domestique pour être compétitifs pour les joutes européennes.

C’est en football, où les enjeux financiers sont les plus importants que les véleités de création d’un championnat fermé européen d’élite étaient les plus fortes, avec le fameux G14, regroupant les clubs les plus puissants du continent.

Finalement, ce n’est pas le football mais le hockey sur glace qui est parvenu, le premier, à mettre en place un tel championnat.

Rencontre entre Medveščak (Croatie) et le  Dinamo de Minsk (Bielorrussie) (crédit photo KHLhr)

Rencontre entre Medveščak (Croatie) et le Dinamo de Minsk (Bielorrussie) (crédit photo KHLhr)

Les facteurs qui ont contribué à cette mise en place.

D’abord, il faut le reconnaître, contrairement au football, la présence d’un pays dominant dans la discipline à l’échelle du continent (la Russie) a facilité les synergies. La KHL est, de fait, le championnat de Russie (la SuperLiga) qui s’est ouvert et a agrégé des clubs d’autres nations où le hockey sur glace est populaire. Toutefois, le nombre de pays concernés (8) montre que ce championnat a une vraie dimension continentale.

Ensuite, la situation économique économique de la Russie a favorisé cette mise en place.
En effet, les immenses réserves russes en pétrole et en gaz naturel ont permis depuis la chute de l’URSS l’émergence de multinationales.
Ces puissants opérateurs économiques dont Gazprom, le premier d’entre eux, ont financé le développement de clubs russes dans un certain nombre de disciplines (un peu à l’image de ce qu’ont fait les monarchies pétrolières avec les clubs de football). Le soutien de Gazprom à la KHL est d’ailleurs direct et assumé puisque c’est l’un des dirigeants du géant russe qui est l’actuel Président de la ligue. Cette manne financière a permis le lancement et le financement d’une telle compétition.

Enfin, un tel projet ne pourrait pas voir le jour sans un vivier de joueurs à disposition. Hors en Russie comme dans un certain nombres de pays d’Europe centrale (Biélorussie, Slovaquie notamment) le hockey sur glace constitue un sport majeur et permet de faire émerger de nombreux joueurs d’élite que la LNH ne peut intégralement absorber. Il reste, en conséquent, une importante densité de joueurs de premier plan, susceptible d’offrir une compétition sportivement attractive.

L'arena de zagreb et ses 15 000 places pleine (photo de Krume Ivanovski)

L’arena de zagreb et ses 15 000 places pleine (photo de Krume Ivanovski)

Une ambiance qui n’a rien à envier à la LNH.

Des salles pleines dépassant allégrement les 10 000 spectateurs, une ambiance spectaculaire, les hymnes nationaux avant les rencontres. La KHL n’a rien à envier à la LNH au niveau de ce qui entoure la rencontre en elle même. Presque paradoxalement un certain nombre des panneaux publicitaires qui bordent la patinoire sont nord américains (Pepsi, Chevrolet, Lays…), ce qui fait qu’un téléspectateur non averti pourrait quasiment croire qu’il visionne une rencontre de LNH ! Les seuls indices qui dénotent sont la présence de quelques publicités ou inscriptions en caractère cyrillique.

Medveščak - Dynamo de Moscou (photo KHLhr)

Medveščak – Dynamo de Moscou (photo KHLhr)

Vers une montée en puissance de la KHL ?

Aujourd’hui la LNH est la compétition majeure en terme de hockey sur glace, il n’y a pas de débat là dessus. Toutefois, à moyen terme la situation pourrait évoluer. La KHL pourrait devenir un redoutable rival, voir dépasser la LNH dans une sorte de scénario catastrophe pour l’historique ligue nord américaine.

Parmi les facteurs qui pourraient favoriser ce renversement de puissance, il y a bien évidemment le facteur économique.

Aujourd’hui la situation économique des clubs de LNH est très disparate et si certains d’entre eux se portent bien (notamment les deux clubs majeurs canadiens Montreal et Toronto, ainsi que les Rangers de New York) pour d’autres la situation est plus précaire. L’on pense évidemment aux Coyotes de Phoenix placés sous administration de la ligue depuis plusieurs saisons, ou encore aux Devils du New Jersey en situation difficile.

Sous l’impulsion du commissaire Bettman, la LNH a favorisé un développement sur le territoire américain. Cette stratégie peut désormais subir les contrecoups d’une situation économique américaine rongée par la dette publique et sous la menace d’une crise grave du dollar qui verrait le billet vert s’effondrer.
Un tel effondrement pourrait faire courir le risque d’une explosion de la LNH dans sa configuration actuelle et une fuite des meilleurs joueurs… vers la KHL. Si cette hypothèse peut paraître encore très théorique quelques indices peuvent laisser à penser que la situation peut évoluer dans le futur.

Ainsi fin août, des rumeurs ont couru sur l’intérêt du Dynamo de Moscou (KHL) pour faire revenir l’une des vedettes le la LNH l’aillier russe des Capitals de Washington Alex Ovechkin (qui touche près de 10 M de dollars par saison). Celui-ci a, finalement, renoncé à suivre la même direction que son compatriote Ilya Kovalchuk qui, lui, a préféré quitter l’Amérique du Nord et les Devils du New Jersey pour s’en retourner à St Petersbourg. Au delà de l’intérêt du « retour au pays », la fiscalité russe, beaucoup plus attractive que la nord américaine est désormais un éléments qui ne laisse pas insensible les gros salaires de LNH.

Certes, ce ne sont que quelques cas isolés pour l’instant, mais la multiplication de ceux-ci constituerait un faisceau d’indice à suivre.

L'animation durant les temps morts ou la mi-temps n'a rien à envier aux ligues professionnelles nord américaines.

L’animation durant les temps morts ou la mi-temps n’a rien à envier aux ligues professionnelles nord américaines.

Comment découvrir la KHL.

Aujourd’hui, le site de la KHL est écrit en langue russe et anglaise, mais la partie internationale en langue anglaise demeure embryonnaire. Il est possible de s’abonner pour suivre les rencontres d’une équipe ou de l’ensemble des équipes de la ligue pour un montant somme toute modeste. Mais il y a une possibilité de découvrir la KHL gratuitement et dans de bonne conditions. Cette possibilité est la diffusion régulière par la web TV laola.tv de rencontres de KHL. Cette TV sur internet, déjà populaire chez les amateurs de volley, permet de voir cette compétition de hockey sur glace.

En sport, comme dans beaucoup d’autres domaines, rien n’est figé, et la vérité d’un jour n’est pas celle du lendemain. N’oublions pas que crée en 1893 la coupe Stanley était très antérieure à la création de la LNH. L’évolution du rapport de force économique pourrait faire en sorte qu’à terme le trophée au nom du cosmonaute russe supplante celui du gouverneur canadien comme firmament du volley de club.

Yannick, Docteur ès sport

=> Merci au KHL Medveščak de m’avoir à publier leurs magnifiques photos publiées sur leur compte FlickR. Ces photos ne sont pas sous licence CC, mais tout droits réservés à leurs auteurs.

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