Cela fait longtemps que la Bretagne attend un champion capable de remporter un grand tour. Elle l’a peut être trouvé en la personne de Warren Barguil quasiment 30 ans après la dernière victoire de Bernard Hinault dans le Tour de France.
Brillant 8eme de la Vuelta à 22 ans, le cycliste de Inzinzac-Lochrist a tout pour devenir le porte drapeau de la région où le cyclisme est une véritable religion. Toutefois, pour parvenir à succéder à Bernard Hinault au palmarès des coureurs bretons victorieux d’un grand tour, il devra peut-être faire des choix de carrière adaptés à l’atteinte de ce type d’objectif.
Une si longue attente.
La Bretagne est une terre de vélo, La terre du vélo. Elle a offert d’immenses champions de la discipline, de Robic à Hinault, de Lucien Petit-Breton à Louison Bobet. Pourtant depuis l’arrêt du Blaireau, en dépit de quelques coups d’éclats (Pascal Lino 10 jours en jaune lors du Tour 1992, Fréderic Guesdon vainqueur de Paris-Roubaix) aucun coureur breton n’a été en situation de remporter un grand tour.
Au début des années 2000, beaucoup ont cru en Christophe Le Mevel, qui, en dépit d’une carrière honorable (mais perturbée par un grave accident de moto) n’a jamais pu se hisser à un tel niveau. Johan Le Bon, dominateur dans les catégories de jeune (et champion du monde junior) n’a pas non plus confirmé les espoirs placés en lui, pas plus qu’Arnaud Gérard, également champion du monde junior.
Warren Barguil est désormais celui qui porte tous les espoirs.
Des choix de carrière singuliers.
Originaire du sud Bretagne près de Lorient, il évolue à Lanester avant de faire un choix étonnant pour sa dernière saison amateur. Il décide de quitter sa Bretagne natale pour se licencier au CC Etupes dans l’est de la France. Ce choix résulte d’une volonté sportive de pouvoir participer à des courses sur des terrains montagneux, en tout cas plus sélectifs que les courses bretonnes, de par sa localisation, le club du Doubs répond parfaitement à ce type de besoin. Lors de cette saison 2011, il obtiendra un succès de grand prestige en remportant le Tour de l’Avenir (course qui a eu à son palmarès des coureurs tel que Nairo Quintana, Denis Menchov, Miguel Indurain, Laurent Fignon).
Après cette parenthèse franc-comtoise, Warren Barguil fait un essai comme stagiaire, presque naturellement, dans l’équipe professionnelle bretonne Bretagne-Schuller. Le passage sera de courte durée, puisqu’il paraphe son premier contrat pro en 2013 au sein de l’équipe néerlandaise continentale 1t4i. Un drôle de choix pour un jeune coureur français prometteur. Choix d’autant plus étonnant que peu de coureurs français qui ont fait ce type de pari, c’est à dire un premier contrat pro dans une formation étrangère, sont parvenus à gravir les échelons. L’on pense en particulier au très talentueux Romain Sicard qui signera son premier contrat chez Euskatel, ou dans un contexte différent, à JC Péraud, qui ne s’adaptera pas au sein de sa première équipe professionnelle, les belges de Lotto.
Grandir avec Giant-Shimano ou changer d’équipe ?
Heureusement la formation 1t4i a franchi les échelons, passant d’un statut d’équipe continentale, à celui d’équipe pro Tour grace à l’arrivée d’importants sponsors (les firmes Giant et Shimano). Le bémol qui demeure est qu’en dépit de sa solidité, la formation Giant Shimano n’est aujourd’hui, pas batie pour accompagner un leader qui vise le classement général d’un grand tour. Cette équipe est une machine à remporter des étapes autour de ses deux sprinters vedettes allemandes Marcel Kittel et John Degenkolb.
Pour son premier grand tour, la Vuelta 2013 Warren Barguil se met quelque part au diapason, puisqu’il remporte deux magnifiques étapes. Il termine 38eme au général, ce qui constitue une excellente performance, lorsque l’on sait qu’une vilaine chute en début de Vuelta lui a fait perdre pas mal de temps. Sans celle-ci, un place parmi les 15 premiers était envisageable.
Cette saison, il était évident que le breton allait découvrir le Tour de France et pouvoir jauger son niveau dans l’épreuve par étape la plus réputée du monde. Mais voilà les choix sportifs de l’équipe Giant ont été autres. Ils ont préféré tout miser sur leurs deux sprinters et laisser Warren à la maison, en lui indiquant, qu’en contrepartie, il serait leader de l’équipe pour la Vuelta.
Compréhensible dans une logique purement sportive, cette décision était forcément décevante d’un point de vue émotionnel. Lorsque l’on est un jeune coureur qui ambitionne de bien faire sur son tour national, l’on ne peut qu’être très déçu. Cette situation alimenta les spéculations sur un éventuel départ de Warren Barguil d’autant plus que l’équipe française Cofidis, en pleine restructuration, était à la recherche d’un leader pour la saison prochaine. L’on évoqua même une possible arrivée dans l’équipe Bretagne – Séché, la venue de Warren étant susceptible de mobiliser des partenaires économiques bretons pour financer la présence d’un tel porte étendard.
Finalement le breton mettra fin aux spéculations en indiquant qu’il honorerait son contrat chez Giant.
Sa 8eme place obtenue lors de la Vuelta 2014 laisse un double sentiment.
D’un côté elle confirme que Warren Barguil est un coureur de grand tour et qu’il sera en capacité à terme à lutter pour la victoire finale. Ceci constitue une énorme satisfaction. Cette Vuelta 2014 confirme la capacité du coureur à être présent sur un tour de 3 semaines très concurrentiel. En effet, étaient au départ de la Vuelta les vainqueurs du tour 2014 (Contador et Froome), deux habitués des podium de grands tours (Valverde, Rodriguez) ainqi que le vainqueur sortant du Giro (Quintana).
De l’autre, les doutes sur le fait que Giant-Shimano n’est, aujourd’hui, pas une équipe construite pour viser le général d’un grand tour persistent. En effet, durant l’épreuve dès que la route s’est élevée, Warren Barguil s’est retrouvé très seul. Moment frappant, lors de l’étape arrivant aux Lagos de Convadonga, alors qu’il restait près de 50 hommes dans le peloton de tête et que tous les leaders avaient 3 ou 4 équipiers, Warren Barguil était désespérément seul, les coureurs de la Giant-Shimano n’ayant pu suivre le rythme.
A contrario, lors de l’arrivée à la Corogne, après la dernière difficulté et à quelques kilomètres de l’arrivée, c’est Warren Barguill, seul coureur de la Giant Shimano encore présent qui dû faire la chasse aux échappés pour John Degenkolb. Lorsque l’on connaît l’importance de la récupération sur un grand tour, notamment dans les étapes de transition, ce type d’effort est tout simplement antinomique avec un rôle de leader.
En l’état, le natif d’Hennebont va probablement faire la saison 2015 sous les couleurs blanches et noires de la Giant.
Il reste juste à espérer que les dirigeants de cette équipe face le choix de recruter des coureurs en capacité d’accompagner le diamant breton vers un premier podium, permettant à son coureur comme à la Giant de franchir un nouveau pallier.
Yannick, Docteur ès sport