Si mon déménagement de Paris à Sète de l’été va rendre ma fréquentation du stade londonien de Selhurst Park moins intense, elle va me permettre d’aller plus souvent à Barcelone pour aller voir des rencontres de mon équipe de Liga préférée, l’Espanyol, formation que je suis depuis 20 ans. Pour mon grand retour dans l’antre du RCDE, j’en profite pour vous proposer une visite du lieu richement illustrée.
De Sarria à Cornella.
Suite à la vente du stade de Sarria et la réinstallation dans le stade olympique de Montjuic les critiques sont rapidement montées de la part des socios sur l’aspect froid de la nouvelle implantation, aux antipodes de l’ambiance qui existait à Sarria. Les arguments et la situation achevèrent de convaincre les propriétaires du club de la nécessité de construire un nouveau stade, plus adapté à la pratique du football. C’est ainsi que naquit le projet de la construction du stade de Cornella – El Prat dans la banlieu ouest de Barcelone. Le stade fût construit dans le cadre d’une opération plus importante de réaménagement de la zone comprenant notamment d’autres équipements sportifs (piscine, gymnase) et un centre commercial.
Si le stade est une réussite architecturale, il demeure économiquement une opération lourde pour le club, qui est fortement endetté depuis cette époque.
L’activité sociale autour des clubs.
A mon sens, ce qui constitue l’une des différences majeures entre les deux championnats majeurs au niveau de la planète que sont les championnats anglais et espagnols et les autres, c’est la dimension sociale qui existe autour du football. L’Angleterre n’est pas l’Espagne et cette dimension se manifeste de façon différente dans les deux pays. Pour l’Angleterre, je ne l’évoquerai pas dans cet article et vous invite à lire mes « soir de match » des rencontres de Crystal Palace.
Pour l’Espagne, la pierre angulaire de cette dimension sociale est le système des peñas. Les peñas sont des regroupements de supporters dans une dimension conviviale avec généralement un lieu de rencontre (qui peut être un bar bien souvent) et autour duquel s’organise des activités sociales. La première d’entre elle est, bien entendu, le fait d’aller assister aux rencontres du club supporté. Mais ces activités peuvent être étendues comme l’organisation de repas, sorties…
Cela fait que suivre un club de football en Espagne n’a pas une dimension isolante, mais au contraire permet d’entretenir et développer son réseau de relations. Ceci fait que les clubs peuvent avoir des peñas partout sur la planète.
Pour pouvoir créer une peña, qui sera reconnue officiellement par le club, elle doit juridiquement être constituée d’un nombre minimal de socios. Celui lui permettra d’accéder à un certain nombre de services du club (pour des déplacements, ou des évènements particuliers) et d’être entendue par la direction du club dans un cadre intitutionnalisé.
Enfin, le nom d’une peña est assez libre, pouvant faire référence à l’entité géographique de la peña (nom du quartier ou de la ville), d’un joueur ou d’une figure du club.
Mais l’écosystème autour des clubs ne se limite pas à cela, en général, il est constitué par la présence de médias dédiés à ceux-ci.
Le RCD Espanyol qui est l’un des grands clubs historique de Liga ne fait pas exception. Ainsi, autour du club existent des émissions de radio dédiées, des sites internet et même un quotidien (le journal La Grada) qui paraît les jours et les lendemains de match ! Cet éco système permet aux supporters de suivre de près l’actualité de leur club sans forcément par le traitement assez généraliste fait par les grands médias nationaux.
A ce niveau, je recommande l’écoute de l’émission « tiempo de Espanyol » où l’animateur Javier de Haro est un véritable expert du club, puisqu’il suit les pericos (nom donné aux joueurs de l’Espanyol, les péruches) au jour le jour depuis 20 ans, y compris lors des stages de préparation à l’étranger de début de saison !
Le contrat de nommage avec Power 8.
Toujours à la recherche de financement, suite à sa situation financière difficile, l’Espanyol avait conclu un très intéressant contrat de nommage de son stage avec la firme chinoise Power 8. Ce contrat d’un montant de 5 millions d’euros par an sur 5 ans représentait une manne non négligeable. C’est ainsi que le club fût rhabillé aux couleurs de cette firme qui devenait, en parallèle, le sponsor maillot du club.
Malheureusement pour l’Espanyol, pour des raisons peu explicites, ce sponsor décida de mettre fin de façon anticipée au contrat, ainsi le stade qui s’appelait Power 8 stadium depuis près de deux saisons, redeviendra le stade de « Cornella – El Prat » à partir du 1er janvier prochain.
Le drame du décès Daniel Jarque.
Un évènement marqua fortement le club et au delà, le football espagnol, ce fût le décès, lors d’un stage de préparation du club, de son arrière central et capitaine, Daniel Jarque en 2009. Le joueur né à Barcelone et formé dans les catégories de jeunes du club était considéré comme l’un des portes étendards d’une équipe avec qui il avait remporté la Coupe du Roi en 2006 et fût finaliste de la Coupe de l’UEFA en 2007.
Pour lui rendre hommage, le public du stade de Cornella applaudit désormais lors de chaque minute 21 des rencontres à domicile, correspondant au numéro de maillot du joueur. Par ailleurs, une statue à son effigie a été érigée à la porte 21 du stade.
Une aficion connue pour sa fidélité.
Lorsque vous vivez dans la ville d’un des clubs les plus médiatisés et des plus puissants de la planète, il faut avoir de la personnalité pour soutenir l’autre club, plus modeste de la ville. Ce contexte fait que s’ils sont moins nombreux que ceux du FC Barcelone, les supporters de l’Espanyol sont extrêmement fidèles à leur club et très solidaire. Leur slogan « la força d’un sentiment » (en catalan) résume assez bien la chose. Quand on supporte l’Espanyol, ce n’est pas pour les titres que remporte le club, ou parce des superstars mondiales y évoluent mais parce que l’on aime le football bien sûr, mais aussi l’authenticité et la convivialité qu’il y a autour du club. Et comme aiment à le dire les supporters de l’Espanyol, leur club est supporté par les « vrais » habitants de Barcelone ou de la Catalogne, tandis que le Barça est surtout supporté… par les touristes.
L’arrivée de Chen Yansheng et de Rastar group.
Si l’une des forces de l’Espagnol est son public et ses socios extrêmement fidèles, l’un de ses talons d’Achille actuel est sa situation économique difficile. Les 140 millions de dette du club (pour un budget annuel de 40 millions) font que le club est depuis la construction du stade dans un situation de malthusianisme économique et sportif, avec pour unique horizon au niveau collectif le maintien en Liga pour ne surtout pas voir baisser le niveau des droits télé vitaux.
Les actionnaires majoritaires (Daniel Sanchez Llibre et Ramon Condal) agés et usés n’ayant pas la capacité financière pour réinjecter des fonds dans leur club se sont résolus à vendre leurs parts à un investisseur susceptible de redonner au club une ambition sportive à la hauteur de son histoire. De nombreuses rumeurs ont circulé ces dernières années avant que fin 2015 soit officialisé un accord entre les actionnaires majoritaires et le groupe chinois Rastar propriété de Chen Yansheng. Ce dernier va racheter le paquet actionnarial de Condal et Llibre pour devenir propriétaire de 60% du club.
Cet investissement constitue un double évènement :
– pour l’Espanyol c’est peut être le début d’un retournement de tendance avec le rêve d’une évolution à la Manchester City, sachant que le club dispose déjà d’excellentes infrastructures.
– pour le football européen, c’est la première fois qu’un groupe économique chinois devient propriétaire d’un club d’un championnat majeur européen. Lorsque l’on connaît le potentiel économique de ce pays, l’investissement des chinois dans les clubs du vieux continent pourrait potentiellement bouleverser les équilibres économiques actuels.
Le jeu et les joueurs.
Parlons quand même un peu de la rencontre. Entre une équipe de La Palmas relégable, et celle de l’Espanyol en manque de résultats depuis quelques temps et qui venait de débarquer son entraîneur Sergio Gonzalez, il fallait s’attendre à un match tendu.
Équilibré en première mi-temps, les joueurs locaux, très volontaires, ont fini par débloquer la situation grâce à leur avant centre vedette Felipe Caicedo. Cette victoire 1-0 leur permet de prendre un peu d’oxygène avant un mois de janvier qui s’annonce intense (7 rencontres) dont une triple confrontation face au FC Barcelone (1/4 de finale de la Coupe du Roi + championnat).
Je noterai dans les rangs de l’Espanyol, la présence de Marco Asensio, énorme espoir du football espagnol, prêté cette saison par le Real Madrid. Ce jeune joueur fin dans sa distribution et hyper doué techniquement devrait faire parler de lui ces prochaines années. Le fait qu’il soit déjà un indiscutable titulaire en Liga à 20 ans en dit long sur sa qualité.
Yannick, Docteur ès Sport
- un grand merci à mon ami Pol, fidèle supporter de l’Espanyol, avec qui j’ai assisté à la rencontre dans de super conditions.
- Site internet du journal La Grada
- Page de l’émission de radio « Tiempo de Espanyol » (Cadena cope Barcelona)