L’Olympique lyonnais en bourse, un pari très risqué pour les acquéreurs.

Le 8 février dernier est une date historique pour le football français. Non pas qu’un club français ait gagné une Coupe d’Europe, la finale se déroule en général au mois de mai, mais un club français a été introduit pour la première fois en bourse. Il s’agit de l’Olympique lyonnais.
Cet évènement sportivo financier va t-il ouvrir la voie à d’autre club ? J’ai plutôt le sentiment qu’il s’agit d’un pari très risqué (surtout pour ceux qui ont acheté des actions OL groupe…) qui est loin d’être gagné. Voici mes arguments.

Afin d’être le plus objectif possible, (et afin d’éviter les poncifs du genre tous les clubs qui se sont introduits en bourse en Europe ont vu leur action perdre sa valeur excepté Manchester…) je vais commenter différents facteurs de risque définis dans le titre 4 dans le « document de base » validé par l’autorité des marchés financiers et disponible sur internet sur la page d’Ol groupe.

risque 1: Risques liés à l’impact des résultats sportifs

Effectivement même s’il est question d’une diversification des revenus, le coeur de la réussite financière de Lyon dépend des résultats sportifs. Or dans ce domaine l’on constate un paradoxe lié au sport. Si dans les autres secteurs économiques l’objectif est plutôt d’éliminer la concurrence, en matière de football la présence d’un ou plusieurs concurrents sérieux est une chose indispensable pour soutenir l’intérêt sportif de la compétition. Comme l’avait écrit il y a bien longtemps Corneille dans le Cid « à vaincre sans péril, on triomphe sans gloire ».
Or à l’heure actuelle Lyon va se retrouver entre deux situations paradoxales :
– soit cette équipe continue à écraser le football français et l’intérêt du public risque d’en pâtir fortement (l’exemple de la désafection pour la F1 à la suite de la domination de Ferrari et Schumacher est significatif)
– soit des concurrents sérieux viennent enfin concurrencer Lyon sur le plan sportif, et dans ce cas le club quintuple champion de France peut se retrouver non qualifié pour la Coupe d’Europe et ainsi perdre une manne de revenus importante.

risque 2 : Risques de dépendance vis-à-vis des revenus audiovisuels et incertitudes liées à leur évolution

Si Lyon, comme l’ensemble du football français bénéficie à l’heure actuelle de la deuxième manne européenne (derrière l’Angleterre) en matière de droits TV (avec les 600 millions d’euros annuels de canal plus pour le football français), l’avenir s’annonce moins brillant. D’abord parce que ce contrant s’achève en 2008, et parce que son renouvellement ne donnera pas forcément lieu à un poker menteur entre TF1/ TPS et Canal + comme cela a été le cas au précédent appel d’offre. En effet, la fusion Canal sat / TPS est passée par là, et la manne risque d’être moins généreuse dans l’avenir, diminuant d’autant les revenus de l’OL.

risque 3 : Risques de dépendance vis-à-vis des contrats de partenariat sportif et risques de résiliation ou de non-renouvellement

Là également ces partenariats et leur montant seront directement liés au résultats sportifs de Lyon. Au vu de ses résultants actuels (5 titres consécutifs) il est difficile d’imaginer qu’ils puissent encore augmenter substantiellement.

risque 4 : Risques liés à la perte de licence d’un joueur clé

C’est dans ce domaine que l’aléa sportif est le plus grand. On a l’habitude de dire que dans le foot, tout va très vite. Un joueur aussi talentueux qui soit peut passer des sommets internationaux à l’anonymat (exemple de Christanval, Pedros ou Jérôme Gnako pour prendre des exemples plus anciens). De plus les risques de blessures peuvent briser en quelques seconde une carrière (exemple récent de Cech, l’ex rennais gardien de Chelsea).
C’est pourquoi il paraît très hasardeux de considérer la valeur d’un joueur comme une donnée évaluable dans le capital ou les avoirs d’un club. C’est pourquoi la valeur des joueurs du club (176 millions d’euros) mentionnée dans le document page 15 peut être considérée comme très aléatoire.

risque 5 : risque lié à la perte de popularité sportive du club

Comment peut-on imaginer que des clubs comme le FC Sète (aujourd’hui en National) avant guerre , Reims (aujourd’hui en D2) dans les années 50, ou le Racing Paris (aujourd’hui en CFA2) dominaient le football français comme Lyon le fait aujourd’hui et étaient a des niveaux européens que Lyon n’a pas encore atteint.

Pourtant ces clubs qui aujourd’hui sont le plus souvent évoqués dans la catégorie, les belles affiches d’antan ou les clubs mythiques du football français évouent dans un contexte très éloigné de leur gloire passée. Seul Marseille a su traverser les époques. Or rien ne dit que ce phénomène ne s’appliquera pas avec Lyon, par exemple avec un retour de l’OM, Paris, St Etienne et Monaco au premier plan, la montée en puissance de clubs issus de zones démographiquement dynamiques (Bordeaux, Toulouse, Montpellier) et la confirmation de clubs situés dans des zones économiques puissantes (Lille, un second club parisien).

Ce scenario noir pour Lyon pourrait se produire, à l’image de ce que vit le club de football de la Corogne. Le super Depor, nouveau riche du football espagnol sous l’impulsion de son Président Cesar Augusto Lendoiro a franchi les étapes jusqu’au titre suprêche de Champion d’Espagne (2000) et vainqueur de la Coupe du Roi, n’échouant au niveau européen qu’au niveau des demi finales face à Porto.
Pourtant avec le retour au premier plan des grandes puissances du football espagnol (Barça, Real Madrid, Valence, Atletico de Madrid), le Depor vit des saisons difficiles (13eme actuellement, à quelques points de la relégation) dans le ventre mou de la liga.

C’est pourquoi, l’on peut estimer que le fait d’avoir acheté des actions OL groupe constitue un pari très risqué. Comme avait dit Corneille déjà, « à vaincre sans péril, on s’enrichit sans gloire ? »

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